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5 janvier 2019 6 05 /01 /janvier /2019 23:55
L’Alsace ouvre sur d’autres mondes

Lorsque j’ai appris la mort de la cinquième victime des meurtres de Strasbourg, j’ai compris que la seule façon d’en parler, s’il faut préférer la parole au silence, ce qui n’est jamais sûr, était de parler d’amour.

Aimer Strasbourg, aimer ceux qui y vivent, c’est aimer davantage qu’une ville et que ses habitants, c’est plonger à une profondeur dont on n’a pas l’idée, c’est accéder à l’invisible. Peut-être les assassins le savent-ils lorsqu’ils choisissent, mais les raisons des assassins retournent immédiatement à cette ténèbre qui est leur partage, alors que les nôtres restent toujours vivantes.

Strasbourg est au-delà de la douleur, comme une sentinelle de pierre rouge devant l’éternité.

L’un de mes vieux amis, disparu il y a longtemps déjà, s’appelait Morris-Albert de Montal. Il avait combattu avec Leclerc, chef de peloton au douzième régiment de chasseurs d’Afrique. Il s’y était héroïquement comporté. À sa retraite, il était retourné s’établir dans son village, en Gascogne.

Il y habitait une grande maison où rien, mais absolument rien, ne rappelait sa vie militaire. Il n’y avait aucun de ces fétiches dont les retraités aiment à s’entourer, pas un fanion de commandement, pas une médaille, pas un journal de marche ; mais seulement, dans un petit couloir, un dessin qu’il avait fait à l’hiver de 1944 et qui représentait la cathédrale de Strasbourg.

Personne, à moins d’être doué d’une sensibilité exceptionnelle, multiforme et profonde, ne peut vraiment comprendre les Alsaciens, surtout des deux derniers siècles, et j’en demande bien pardon à ceux qui me liront.

Ces lignes n’ont que l’amour pour excuse. Je les ai écrites pour cette ville qui est la mienne plus profondément qu’aucune de celles où j’ai vécu, et dans laquelle je vais en songe à chaque fois que le malheur des temps m’y contraint, peut-être parce que le malheur des temps s’il ne l’a pas épargnée, a rendu son âme plus visible et plus forte.

Je suis, chaque fois que j’y vais, incapable de m’orienter dans Strasbourg. Pour moi, elle a toutes les caractéristiques d’un songe bienfaisant, où un endroit magique ouvre sur un autre sans obliger à aucun trajet inutile.

Le centre du rêve, c’est la cathédrale Notre-Dame, qui tient sa balance de pierre égale entre le cosmos – l’horloge astronomique – et la rédemption – la statue monumentale du jardin des Oliviers. On croirait voir sculptées les Pensées de Pascal, plus précieuses ici que les féeries romantiques, même celles de Hugo.

Au-delà des portes commence le domaine d’une alchimie mystérieuse, dont le décor, colombages et cul de bouteille, abrite l’activité par laquelle un peuple change, au milieu des souffrances d’une histoire traversée, pour parler comme le grand Rachi, « le désespoir en matin ».

C’est le grand pogrome du temps du Saint-Empire, et le jour où les carabins rouges de l’école de santé militaire ont pris les armes devant l’ennemi, ce sont ces procès de la Libération où les « malgré-nous » étaient défendus par de jeunes avocats à croix de guerre issus des rangs de la France combattante, le reste de la France n’y comprenant rien ; ce sont des compagnons de la Libération en nombre, Soucy, Gilbert Lévy, Batiment, Jaeger ; mais aussi le poète Jean-Paul de Dadelsen, et tous les enchanteurs, Pleyel pour la musique, Roederer pour la fête, Tussaud pour le divertissement, sans oublier l’inventeur de l’aspirine.

Et, bien sûr, Gutenberg, sans lequel vous ne liriez pas ce que vous lisez, et que plusieurs villes se disputent comme Homère, mais nous savons tous qu’elles ont tort à l’exception de Strasbourg.

Et puis il y a Tauler, bien sûr, l’immense Tauler, qui prêchait ici, aigu et familier, en tenant d’un côté pour l’étonnante possibilité de la « divinisation de l’âme », et de l’autre présentant pour y parvenir les moyens les plus simples, les plus prosaïques, les plus tendres aussi. Il recommandait, au milieu des épreuves, de jeter dans le fleuve l’ancre de la prière, « comme les bateliers le font dans le Rhin ».

On peut voir sa pierre tombale au Temple-Neuf, épargnée par un violent bombardement, en 1870. C’est l’époque où Charles de Foucauld, né à Strasbourg, s’est mis en route, jusqu’à ce qu’après cent détours un confessionnal de Paris s’ouvre pour lui comme l’armoire de Narnia, débouchant dans le désert des Touaregs.

Je n’en finirais pas de me promener ainsi.

Derrière Strasbourg l’Alsace attend, le Colmar de Hansi que nous n’avons jamais cessé d’aimer, et surtout la forêt profonde au-delà de Niederbronn, de Reichshoffen, avec la chapelle du Herbzenthal.

C’est un petit bâtiment en grès rouge, au clocher pointu, élevé sur un tertre en pierres hâtivement taillées où la mousse a pris. Tout autour, parmi les sapins, le déroulé des tourbières, et à main gauche, un chemin étroit longeant l’étang gelé, orné sur les bords d’une croûte de glace que la lumière fait parfois scintiller, mais bleu ardent vers son centre, là où l’eau est visible, donnant l’illusion des abîmes.

L’Alsace ouvre sur d’autres mondes, et les crimes des hommes n’y peuvent rien.

François Sureau

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5 janvier 2019 6 05 /01 /janvier /2019 23:55
L’Adoration des Mages, mosaïques byzantines de la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne

L’Adoration des Mages, mosaïques byzantines de la basilique Saint-Apollinaire-le-Neuf à Ravenne

« La Croix » est partie sur les traces orientales de ces figures bibliques énigmatiques qui ont marqué nos imaginaires. Une quête autant historique qu’intérieure.

Jérusalem et Bethléem De notre envoyée spéciale

Du haut de la tour Phasaël dont on a gravi les marches comme on remonterait le temps, la beauté de la vue sur Jérusalem et les collines de Bethléem ne suffit pas à apaiser les interrogations qui nous tenaillent, peut-être aussi nombreuses que celles des Mages fixant l’étoile.

Cette massive tour de garde de la citadelle de Jérusalem est le dernier vestige connu du palais d’Hérode le Grand. C’est sans doute en ces lieux que « celui qui a failli faire capoter Noël », selon le mot savoureux du poète Georges Lauris (1), aurait reçu ces Mages venus d’Orient qui cherchaient « le roi des juifs ». Pour une fois, on peut le dire au pied de la lettre : les pierres sont ici vieilles comme Hérode. Mais les pierres, hélas, ne parlent guère.

Que sait-on d’eux ? Toutes les théories ont été échafaudées pour combler le vide laissé entre les lignes de Matthieu, le seul des quatre évangélistes à narrer cet épisode en douze maigres versets. Certains les ont imaginés venant d’Arabie, d’autres d’Irak, d’Iran, du Yémen, d’Éthiopie, d’Inde, et même de Chine…

Aujourd’hui, bien des biblistes mettent en doute la véracité de cette séquence. Si l’Occident vénère leurs reliques à Cologne depuis le Moyen Âge, ces mystérieux personnages, propres à faire rêver les enfants, sont avant tout symboliques, nous a-t-on dit.

Une invention littéraire de l’évangéliste pour rappeler aux juifs devenus chrétiens que l’enfant de Bethléem était le roi non seulement du peuple d’Israël, mais des nations païennes, autrement dit que le salut s’adresse à tous.

Si, à l’image de l’astre qui les a guidés, leur apparition dans la Bible est fugace, ces premiers pèlerins du christianisme n’ont cessé de fasciner, inspirant depuis des siècles peintres, poètes, chansonniers et conteurs, et nourrissant toutes sortes de traditions folkloriques, des santons à la populaire « galette des rois »…

Encore aujourd’hui, ces figures énigmatiques ne laissent personne indifférent. Il suffit de se remémorer les réactions passionnées, avant le départ, tandis qu’on exposait notre projet : les rêveurs, encourageant le voyage, les sceptiques, ironisant sur leur existence improbable, les prudents, demandant que l’on s’informe et leur fasse part, au retour, de nos trouvailles…

Hélas, parce que cette histoire est belle, faudrait-il qu’elle soit nécessairement truquée ? On ne peut s’y résoudre totalement. Pourquoi ne pas se mettre en route, nous aussi, pour comprendre : d’où venaient-ils ? Que cherchaient-ils ? Et que sont-ils devenus après être repartis « par un autre chemin » ?

Peut-être trouvera-t-on quelques traces de leur passage en ce Proche-Orient et, qui sait, en soi-même.

Le mieux est de commencer au plus près de l’histoire. Direction la basilique de la Nativité. Près de la porte de Jaffa, on attrape un bus pour Bethléem. Franchir le mur de sécurité érigé par Israël ravive le souvenir d’une caricature de Khalib Bendib : les Mages bloqués au check-point à leur arrivée à Bethléem, et ce commentaire, « ça va être un peu plus difficile cette fois-ci »

… Sur la place de la Mangeoire, il faut s’armer de patience pour alpaguer le vibrionnant frère Artemio Vitores Gonzalez, gardien du couvent franciscain et pilote de ce saint lieu, envahi ce jour-là par des touristes asiatiques. L’entrée se fait par la petite porte dite « de l’Humilité », originellement destinée à empêcher d’y pénétrer à cheval.

« Si tu ne peux agrandir la porte, fais-toi petit pour y passer », prévient avec humour le frère Artemio qui, du haut de son mètre cinquante, n’a guère besoin de se baisser pour la franchir…

Un détail devrait nous intéresser, assure le religieux espagnol installé ici depuis 1970 : toutes les autres églises de Terre sainte datant de cette époque ont été détruites en 614 par l’armée perse de Khosrô II, dont un prêtre arménien, qui faisait visiter le Saint-Sépulcre à Pierre Loti, disait qu’« afin de ne rien omettre dans ses destructions, il passa cinq années ici à ruiner de fond en comble les églises et à briser tout ce qui pouvait être enlevé. »

« Toutes ont été détruites sauf celle-ci, poursuit frère Artemio, car, sur la mosaïque qui ornait le fronton, les Perses virent trois hommes habillés comme eux… Ils s’imaginèrent que leurs ancêtres étaient déjà venus ici et l’épargnèrent. » Pirouette de l’histoire que ces Mages venus honorer le Sauveur et qui allaient un jour sauver son église.

Le franciscain nous guide vers la grotte de la Nativité, où se trouve « l’autel des Mages ». Mais « il est peu probable qu’ils soient venus ici », coupe-t-il court, évoquant en revanche une grotte que l’Église grecque-orthodoxe, plus gourmande que les Latins de récits apocryphes, vénère comme le lieu où les Mages auraient fait halte, après leur visite à l’Enfant.

Enfin quelque chose. Cette grotte, dont le seul nom grec de metopa émoustille déjà l’imaginaire, serait bien moins fréquentée des pèlerins car les religieuses qui la gardent filtrent les entrées…

On reprend donc la route pour Ubeidiya, à huit kilomètres, non sans une certaine excitation. Entouré de hauts murs, le monastère Saint-Théodose est fiché sur une colline esseulée. La porte est fermée, point de sonnette. L’arrivée providentielle d’un livreur de concombres permet de se glisser dans les murs. Un reportage, comme toute rencontre, tient à peu de chose.

Une sœur, dont l’habit noir ne laisse paraître que l’ovale du visage, nous conduit avec quelques mots de français vers les ruines d’une basilique byzantine. Mais le plus intéressant se trouve sous terre.

Un escalier descend vers la fameuse grotte. Dans une première salle, sœur Eulogie s’incline devant la tombe de saint Théodose, l’un des fondateurs du monachisme oriental (v. 424-529).

La croyance selon laquelle les Mages seraient passés ici remonte donc au moins au Ve siècle, puisque cet ermite originaire de Cappadoce aurait visité toute la Terre sainte avant de se retirer en ce lieu où, disait-on déjà, l’ange leur serait apparu et leur aurait ordonné de repartir par un autre chemin.

Peu diserte, la gardienne des lieux encense des icônes aux murs avant d’ouvrir une grille fermée à clé. La roche est à nu.

Des cartons de livres et des bidons côtoient quelques tableaux entreposés là. La metopa tient plus de la caverne d’Ali Baba que du sanctuaire. Le dépit nous guette. Sitôt la visite achevée, sœur Eulogie referme sur nous la lourde porte du monastère.

Sur le chemin du retour, un immeuble attire incidemment l’attention : ils sont là, nos Mages ! peints en bleu sur la façade, tendant leurs présents vers une étoile géante. À côté, le Collège biblique de Bethléem.

Étonnamment, personne à l’intérieur ne connaît l’origine de cette fresque urbaine ; mais on y apprend que l’institution, fondée en 1979 par des évangéliques américains, anime des groupes bibliques ouverts à toutes les confessions chrétiennes.

Notre quête des Mages intéresse particulièrement Haytham Dieck, un Palestinien catholique de 29 ans. Lui-même né à Bethléem, il a étudié l’archéologie en Allemagne, avant de former ici de futurs guides touristiques. «

Certains pensent qu’il s’agissait de juifs restés après l’exil à Babylone où Nabuchodonosor les avait déportés en 586 avant J.-C., explique-t-il, en sortant des cartes pour tenter d’imaginer le parcours des Mages, tel un détective.

Quand l’archéologie ne donne plus de réponse, je dis à mes étudiants qu’ils ont besoin de comprendre la théologie, le discours donné sur les lieux. »

Retour à Jérusalem. Un passage par la prestigieuse École biblique s’impose, même si on hésite un peu. En ce haut lieu de l’exégèse historico-critique, la quête des Mages doit paraître bien naïve.

Eh bien non. « Le merveilleux a pris le dessus sur la réalité historique mais il y a une certaine plausibilité à l’histoire des mages. » Assis devant des piles de livres, sous les voûtes de l’ancien couvent des dominicains, le père Dominique-Marie Cabaret a lui aussi envie d’y croire. « Leur visite aurait provoqué le massacre des innocents.

Cela cadre assez bien avec la paranoïa meurtrière d’Hérode qui fit assassiner son beau-frère, son épouse, sa belle-mère, ses fils, l’oncle de son épouse, etc. Et Bethléem était un village. S’il entendait parler d’un rival, il pouvait ordonner d’en tuer les nouveau-nés sans que cela figure dans les annales », remarque ce spécialiste de l’histoire du Proche-Orient.

« Les Mages connaissaient les étoiles, il vous faut chercher du côté des centres astronomiques de l’époque », commente à son tour, tel un oracle, le dominicain et archéologue Jean-Baptiste Humbert, de son regard bleu perçant, avant de retourner à ses études parmi les poteries antiques…

Les Mages se dérobent à nos recherches comme autrefois à Hérode. L’étoile saura peut-être davantage nous guider.

Céline Hoyeau

Repères
Des rois ?
L’Évangile n’en parle pas. Mais à la fin du IIe siècle, Tertullien donne aux Mages le titre de rois, sans doute en raison de la richesse de leurs présents (or, myrrhe, encens) ; mais aussi en lien avec les annonces de l’Ancien Testament, notamment : « Les nations vont marcher vers ta lumière, et les rois vers la clarté de ton lever… Tous les gens de Saba… ils t’apporteront de l’or et de l’encens » (Isaïe 60). Ou encore : « Les rois de Saba et de Séva paieront le tribut, tous les rois se prosterneront devant lui » (Psaume 72).

Très vite, ces explications se doublent d’une interprétation politique : après la conversion de Constantin, les Mages sont présentés comme les précurseurs de l’empereur, le symbole des rois de la terre qui se doivent d’être pieux. Lorsque les empereurs d’Allemagne voudront se poser en successeurs de l’Empire romain chrétien, ils se tourneront naturellement vers les Mages. En 1164, Frédéric Barberousse, qui menait des guerres en Italie, transférera leurs corps, « découverts » intacts à Milan, vers Cologne où ils seront érigés en protecteurs du Saint-Empire germanique. Leurs reliques y reposent dans la cathédrale élevée à partir de 1248 pour être leur écrin.

Dans l’iconographie, ils portent pour la première fois une couronne dans un manuscrit de la fin du Xe siècle, le Ménologe de Basile.

À partir du VIIe siècle, des listes de noms apparaissent, perses, hébreux, grecs, avant que la tradition latine ne fixe au IXe siècle le trio de Melchior, Gaspard et Balthazar.

Lire aussi le passionnant Livre des Rois Mages de Madeleine Félix (Éd. DDB, 239 p.) ; et Les Rois mages, hors série Le Monde de la Bible-La Croix, 66 p., 10 €.

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4 janvier 2019 5 04 /01 /janvier /2019 23:58
Humour

Une femme arrive au ciel  et demande à Saint-Pierre si elle pouvait revoir son mari …

- On va faire un effort et le chercher…

St Pierre consulte son ordinateur et regarde dans le fichier des bienfaiteurs : Rien !

Il regarde le fichier des Béats : Rien !

Il va voir dans le dossier des Saints : toujours rien !!!

- Au fait, vous êtes restés mariés combien de temps ?

Toute fière :

- Oh, 52 ans !!!

- Ah bien sûr, ça explique tout  c’est chez les martyrs que j'aurais dû  chercher..........

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